Petit Pierre et les feuilles d’automne

27 août 2019 0 Par Aline Conord

PetitPierre entendit le Docteur sortir de la chambre de Maman, suivi de Papa. Depuis plusieurs semaines, Maman avait toujours les mêmes yeux bleus, illuminés de mille étoiles, lorsqu’elle voyait Petit-Pierre entrer dans sa chambre ; elle le serrait alors très fort contre elle. Mais elle était vite fatiguée, et la nurse venait chercher Petit-Pierre pour l’emmener jouer dans le parc. Elle était si menue, si pâle, parmi ses oreillers de dentelle, que Petit-Pierre en avait le cœur serré à chaque fois.

Or, ce matin-là, Petit-Pierre entendit le Docteur dire à Papa : « Mon ami, lorsque les feuilles de ce gros arbre, commenceront à tomber elle nous quittera. »

Une immense détresse envahit Petit-Pierre, et c’est les yeux emplis de larmes qu’il suivit la nurse anglaise. Mais il n’avait pas le cœur à jouer ; tout le jour, il pensa à elle, d’autant qu’un vent froid était apparu et que les premières feuilles avaient glissé à terre .Le soir, en allant l’embrasser, il la serra bien fort contre lui. Il lui était venu une idée…. Il attendait avec impatience pour passer à l’action.

Il s’était dit : «  Il ne faut pas que les feuilles tombent, et Maman guérira. »

Aussi avait-il dérobé dans la boîte à ouvrage de Mathilde, la gouvernante, tout plein de rubans de couleur. Il allait tout simplement ramasser les feuilles tombées, et les renouer autour des rameaux, puis bien serrer d’une faveur celles qui ornaient encore l’arbre.

Lorsque la maison se fut endormie, Petit-Pierre se glissa dehors, sans faire de bruit. Il s’approcha de l’arbre, et mesura alors toute l’étendue de la tâche. Mais in ne voulait pas que Maman parte au Ciel. Il avait trop besoin de ses rires, de sa tendresse, de sa douceur. Courageusement, il ramassa les premières feuilles et noua chacune avec grand soin sur les basses branches. Mais le vent se fit plus vif et les feuilles commencèrent à tourbillonner autour de lui. Il était désespéré, quand il vit une troupe de vers luisants s’approcher de lui :

– « Que fais-tu Petit-Pierre ? » Il le leur expliqua.
– «  Mais tu n’y vois pas ! Nous allons t’aider ! Figure-toi qu’au soir du Bal du 15 Août, nous n’avons pas eu envie d’aller nous coucher jusqu’à l’été prochain, et nous nous sommes cachés dans le jardin ; nous allons appeler tous nos frères et t’éclairer ».

    De fait, toute une guirlande illuminée incendia l’arbre, et Petit-Pierre y vit comme en plein jour.

    Deux colombes, qui se reposaient sur la margelle du puits arrivèrent et dirent elles-aussi à Petit-Pierre :- « Que fais-tu ? » Les lucioles leur expliquèrent, alors elles se mirent à roucouler doucement pour appeler toutes leurs compagnes. Et, sous les yeux émerveillés de Petit-Pierre, ce ne fut qu’un ballet incessant de rubans chatoyants et de feuilles fauves qui valsaient dans les airs.

    L’oiseau-Lyre vint, lui aussi, admirer l’arbre, et joua un air entraînant pour distraire Petit-Pierre de son chagrin et donner du cœur à l’ouvrage à tout ce petit monde. La pie voleuse arriva à son tour, fortement intéressée par ces dorures.

Petit-Pierre lui en ayant expliqué la raison, elle lui dit :

            « Alors je ne te les prendrai pas, au contraire, je vais chercher ma corbeille à trésors, tu sais, tous les jolis fils brillantés qui ornaient le beau sapin que ta Maman et ton Papa avaient fait pour Noël, c’est moi qui les avait pris ; tu vas voir, ils vont empêcher les feuilles de s’envoler ».

    Un hibou descendit de sa sagesse ancestrale pour faire de gros yeux nocturnes tout doux à Petit-Pierre, en lui disant qu’il avait eu la plus jolie idée du monde.

      Mais il se faisait bien tard, et le petit garçon avait les paupières lourdes de sommeil ! Tous ses amis l’envoyèrent dans son petit lit, se chargeant de parachever leur tâche.

        L’arbre était aussi lumineux qu’un sapin de Noël et paraissait vouloir s’élancer vers les étoiles. Petit-Pierre s’endormit immédiatement et rêva que Maman était guérie.

        Lorsqu’il s’éveilla, le soleil automnal se dressait déjà haut dans le ciel. Il crut entendre la voix de Maman, aussi gaie qu’autrefois, mais pensa qu’il rêvait et voulu se rendormir. Mais non, il ne se trompait pas ! C’était bien la jolie voix de Maman qui disait :
-«  Mathilde, voulez-vous ouvrir les rideaux s’il vous plaît ? J’ai envie de voir la couleur du temps, et puis j’ai très faim, je voudrais un énorme petit déjeuner ; et surtout, je veux voir mon petit garçon tout de suite ».

-«  Mathilde, voulez-vous ouvrir les rideaux s’il vous plaît ? J’ai envie de voir la couleur du temps, et puis j’ai très faim, je voudrais un énorme petit déjeuner ; et surtout, je veux voir mon petit garçon tout de suite ».

          Fou de joie Petit-Pierre se précipita dans la chambre pour serrer Maman sur son cœur. Papa souriait, les yeux emplis de larmes :
– « Cela a été une nuit de miracles, Petit-Pierre, regarde comme Maman a les joues roses et vois cet arbre qui a pris un déguisement de prince ; des tziganes ont du faire une fête dans notre jardin cette nuit et, en partant, ils nous auront laissé un peu de leur chaleur, de leur joie, et cela a rendu ta Maman encore plus belle qu’avant ! »

            Petit-Pierre regarda par la fenêtre pour que Papa ne le vît pas sourire. L’explication de Papa était jolie mais lui, Petit-Pierre, savait bien que les choses ne se faisaient pas toutes seules. C’était bien une idée de grande personne, çà !

              Il répondit d’une voix grave : – «  Oui Papa, cela a été la nuit des miracles ».

              Et il envoya tout un bouquet de baisers à ses petits amis invisibles pour tous, mais pas pour lui.